Copernic a-t-il réellement fait la révolution (scientifique) ?

Nicolas Copernic
Portrait de Nicolas Copernic, exposé au musée de Toruń – image du domaine public, via Wikimedia Commons.

Dans ce journal comme ailleurs, vous avez sans doute déjà rencontré l’expression « révolution copernicienne ». Elle met en avant le fait que Nicolas Copernic (1473 – 1543) a provoqué un changement de perspective majeur en montrant qu’il était plus pertinent de considérer que c’est bien la Terre qui tourne autour du Soleil plutôt que l’inverse. À ce premier bouleversement font écho les travaux de Galilée (1564 – 1642), lesquels – justement en se basant, entre autre, sur ceux de Copernic – ont définitivement montré que le système de Claude Ptolémée (vers 90 après J.-C. – vers 168) publié dans l’Almageste1Κλαύδιος Πτολεμαῖος, vers 150 après J.-C. Μαθηματική σύνταξις. Texte en grec ancien. Une traduction en français par Nicolas Halma : Claude Ptolémée, 1813 et 1816. Composition mathématique, deux volumes, J. Hermann, Paris. Les deux tomes en édition bilingue français et grec ancien sont disponibles en ligne. – selon lequel, en accord avec la physique aristotélicienne, la Terre était immobile au centre du Monde – était erroné.

De ceci, j’ai déjà parlé, vu d’ici. Comme je l’ai déjà indiqué, tous les deux ont été précédés par les travaux de Nicole Oresme (vers 1320 ou 1322 – 1382) et Galilée s’est également appuyé sur ceux de Johannes Kepler (1571 – 1630), entre autres. J’ai donc sciemment utilisé cette même expression de « révolution copernicienne » ou encore « révolution épistémologique ». Avec l’objectif de poser la question que je vous propose d’aborder dans cet article : cette expression est largement répandue, fort bien. Cependant, est-il vraiment pertinent de parler de révolution ? Le but étant également de vous inviter, ô ! estimés lecteurs, à faire un examen critique de ce que je peux écrire ici.

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Notes

Notes
1 Κλαύδιος Πτολεμαῖος, vers 150 après J.-C. Μαθηματική σύνταξις. Texte en grec ancien. Une traduction en français par Nicolas Halma : Claude Ptolémée, 1813 et 1816. Composition mathématique, deux volumes, J. Hermann, Paris. Les deux tomes en édition bilingue français et grec ancien sont disponibles en ligne.

La chute des corps : Galilée tombe à pic !

Galileo GALILEI
Portrait de Galileo Galilei par Giusto Sustermans en 1636 – image du domaine public via Wikimedia Common.

Il en a déjà été question par deux fois vu d’ici, les travaux de Nicolas Copernic (1473 – 1543), Giordano Bruno (1548 – 1600), Johannes Kepler (1571 – 1630) et de Galilée (1564 – 1642), lesquels ont été précédés par Nicole Oresme (vers 1320-1322 – 1382), ont intégralement remis en cause le modèle aristotélicien. Dans cette remise en cause, Galilée ne s’est pas limité aux seules observations astronomiques. Il s’est attaqué à plusieurs autres sujets fondamentaux, parmi lesquels un qui a une grande influence sur mes domaines de recherche : la chute des corps.

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Scilabus : le blog de Viviane Lalande

Viviane Lalande
Viviane Lalande, auteure du site Scilabus – crédit photo : Éric Myre.

Scilabus est un site de vulgarisation scientifique, qui allie textes et vidéos. Ce site a été initié et est tenu par Viviane Lalande, qui reçoit de l’aide de sa sœur Marianne Lalande et de Renaud Manuguerra. Sa ligne éditorial est de prendre des situations de la vie quotidienne – par exemple, vaut-il mieux marcher ou courir sous la pluie, quelle est la meilleure façon de partager la place dans un four micro-onde ? – pour les explorer scientifiquement. Cela lui permet de vulgariser les démarches expérimentales et ceci de manière très pédagogique.

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La vie privée : une anomalie bientôt corrigée

Vinton Cerf
Vinton Cerf en 2010 par Вени Марковски Veni Markovski, disponible sous contrat CC BY 3.0 via Wikimedia Commons.

Vinton Cerf a eu un rôle essentiel pour les systèmes de communications modernes : il est l’un des inventeurs du protocole TCP/IP, qui est à la base d’Internet. Il est désormais chez Google, récemment devenu Alphabet. Le 20 novembre 2013, il a déclaré que « la vie privée pourrait bien être une anomalie ». Qu’on se rassure, cette anomalie est en passe d’être corrigée…

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Guillaume avait un bon rasoir !

Guillaume d’Ockham
Guillaume d’Ockham d’après le manuscrit Summa Logicae (Guillaume d’Ockham, 1323) – image du domaine public via Wikimedia Commons.

Le principe de parcimonie – parfois appelé rasoir d’Ockham d’après le moine franciscain anglais Guillaume d’Ockham (vers 1285 – 1347), précurseur en logique – est un principe commun à la philosophie et aux sciences. Il a, en fait, été énoncé bien avant, l’occurrence la plus ancienne que j’ai pu trouver étant dû à Aristote1Ἀριστοτέλης, Φυσικὴ ἀκρόασις. Disponible en ligne. Une traduction en français par Pierre Pellegrin : Aristote, 1999. Physique, Flammarion. Disponible en ligne. (384 – 322 avant J.-C.), lui-même le faisant remonter à Empédocle (vers 490 – vers 435 avant J.-C.). Cependant, Proclus (412 après J.-C. – 485) le fait remonter à Pythagore (vers 580 – vers 495 avant J.-C.)2La seule version que je connais de l’ouvrage en question est cette édition allemande, qui semble faire référence : Manitius, C. (éditeur et traducteur), 1909. Procli Diadochi hypotyposis astronomicarum positionum (Bibliotheca scriptorum Graecorum et Romanorum Teubneriana), Teubner, Leipzig. Réimpression en 1974 : Teubner, Stuttgart..

Ce principe n’est pas toujours bien compris, il est parfois utilisé d’une manière dénotant d’une méprise sur ce qu’il signifie véritablement. Je vous propose dans un premier temps de voir un rapide historique de ce principe, avant de commenter ce qu’il signifie. Cet article s’inscrit donc dans la suite de la série sur l’histoire des sciences et de vulgarisation que j’ai entamée vu d’ici.

Non, je n’ai pas encore précisé ce que spécifie ce principe. Ceci est un procédé à peine honnête qui a pour but de créer un suspens à la limite du soutenable, afin de vous rendre captif de ma prose et faire en sorte que vous alliez au bout de cet article. Cependant, ne vous inquiétez pas : l’explication arrive dans quelques lignes !

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Notes

Notes
1 Ἀριστοτέλης, Φυσικὴ ἀκρόασις. Disponible en ligne. Une traduction en français par Pierre Pellegrin : Aristote, 1999. Physique, Flammarion. Disponible en ligne.
2 La seule version que je connais de l’ouvrage en question est cette édition allemande, qui semble faire référence : Manitius, C. (éditeur et traducteur), 1909. Procli Diadochi hypotyposis astronomicarum positionum (Bibliotheca scriptorum Graecorum et Romanorum Teubneriana), Teubner, Leipzig. Réimpression en 1974 : Teubner, Stuttgart.

Luminesciences : le blog de Jean-Pierre Luminet

Jean-Pierre Luminet
© Jean-Pierre Luminet.

Jean-Pierre Luminet est l’auteur du blog Luminesciences. Pas seulement : il est aussi astrophysicien, directeur de recherche du CNRS au Laboratoire d’astrophysique de Marseille, ainsi qu’au Laboratoire Univers et théories. Pas seulement : il a aussi des activités de vulgarisation et culturelles. De tout cela, il est question sur son blog.

Parmi ses travaux notables, il est l’un des pionniers des représentations réalistes des trous noirs. Dès 19791Jean-Pierre Luminet, 1979. Image of a Spherical Black Hole with Thin Accretion Disk, Astronomy and Astrophysics, n° 75, pp. 228 – 235. Disponible en ligne., il en a proposé une plus réaliste et précise que celle présentée dans Interstellar2Christopher Nolan, 2014. Interstellar, Syncopy Films et Lynda Obst Productions.. Il a également travaillé sur la forme – en fait, la topologie – de l’Univers, ce qui l’a conduit à introduire la notion d’univers chiffonné3Jean-Pierre Luminet, 2001. L’Univers chiffonné, Fayard, Paris. Édition revue et augmentée en 2004..

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Notes

Notes
1 Jean-Pierre Luminet, 1979. Image of a Spherical Black Hole with Thin Accretion Disk, Astronomy and Astrophysics, n° 75, pp. 228 – 235. Disponible en ligne.
2 Christopher Nolan, 2014. Interstellar, Syncopy Films et Lynda Obst Productions.
3 Jean-Pierre Luminet, 2001. L’Univers chiffonné, Fayard, Paris. Édition revue et augmentée en 2004.

Présentation de e-Penser

Logo d’e-Penser
Logo d’e-Penser – © Bruce Benamran, via Wikimedia Common.

Dès la mise en place de ce site, je comptais donner un florilège de liens que je trouve intéressants. J’inaugure donc une nouvelle section pour le site, la section « liens ». Comme je ne veux pas me contenter d’une liste sans plus d’élément, chaque lien publié sera accompagné d’un article le présentant. Cela me donne l’occasion également, alors qu’au moment où j’écris ces lignes ma première chronique vidéo (que j’ai déjà mentionné dans les commentaires) est en cours de tournage, de bien montrer que le site n’est pas du tout à l’abandon.

Le premier lien que je vous propose mène vers le site d’e-Penser de Bruce Benamran, qui propose des vidéos de vulgarisations scientifiques généralistes.

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Tout est relatif, mon cher Bruno !

Giordano Bruno
Portrait de Giordano Bruno (xixe siècle, d’après une gravure publiée dans le Livre du recteur, 1578) – image du domaine public via Wikimedia Commons.

Si l’on doit bien à Albert Einstein (1879 – 1955) la théorie de relativité restreinte1Albert Einstein, 1905. « Zur Elektrodynamik bewegter Körper », Annalen der Physik, n° 17, pp. 891 – 921. Consultable en ligne. Version française disponible en ligne. ainsi que celle de la relativité générale2Albert Einstein, 1916. « Die Grundlage der allgemeinen Relativitätstheorie », Annalen der Physik, n° 49, pp. 769 – 822. Consultable en ligne. Maurice Solovine en a réalisé une traduction française dans : Albert Einstein, 1933. Les Fondements de la théorie de la relativité générale, suivi de : Théorie unitaire de la gravitation et de l’électricité, suivi de : Sur la Structure cosmologique de l’espace, Hermann et compagnie., le principe de relativité a été introduit en physique bien avant. On parle de relativité galiléenne et son instigateur est… Giordano Bruno (1548 – 1600). Il y avait un piège !

Bien entendu, si l’on qualifie cette première forme de relativité physique de « galiléenne », c’est bien parce que Galilée a joué quelque rôle dans sa formulation. L’introduction de ce principe est un des principaux éléments de la révolution épistémologique à laquelle j’avais fait allusion précédemment. Le présent article se place donc dans la suite de la série sur l’histoire des sciences que j’ai entamée. Il me permettra également, une fois de plus, d’introduire quelques notions qui seront utiles pour les futurs articles de vulgarisations à venir.

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Notes

Notes
1 Albert Einstein, 1905. « Zur Elektrodynamik bewegter Körper », Annalen der Physik, n° 17, pp. 891 – 921. Consultable en ligne. Version française disponible en ligne.
2 Albert Einstein, 1916. « Die Grundlage der allgemeinen Relativitätstheorie », Annalen der Physik, n° 49, pp. 769 – 822. Consultable en ligne. Maurice Solovine en a réalisé une traduction française dans : Albert Einstein, 1933. Les Fondements de la théorie de la relativité générale, suivi de : Théorie unitaire de la gravitation et de l’électricité, suivi de : Sur la Structure cosmologique de l’espace, Hermann et compagnie.

Comment j’ai prolongé les travaux de Galilée !

Grande marée à Wimereux
Grande marée à Wimereux (département du Pas-de-Calais, France) – photo de Marc Ryckaert sous contrat CC BY 3.0 via Wikimedia Commons.

Je l’ai déjà mentionné : il serait tout de même temps que je présente les sujets auxquels je m’intéresse dans mes travaux. Comme j’ai pu l’indiquer à la page d’accueil de ce site et comme on peut le déduire à partir de mon CV, mes domaines de compétences sont les mathématiques appliquées et l’informatique théorique. Mon champ d’application est l’océanographie physique. Concrètement, je reproduis sur ordinateur le fonctionnement des océans.

Cependant, l’étude de la dynamique des océans, même si elle constitue une discipline toujours en évolution, a une longue histoire. Les éléments les plus anciens que j’ai pu relever remontent à l’antiquité et le premier sujet de dynamique océanique étudié y est la marée. Je me propose de vous présenter cette histoire ici. Une grande part des informations que vous trouverez ici provient de La Marée océanique côtière de Bernard Simon1Bernard Simon, 2007. La Marée océanique côtière, collection « Synthèses », Institut océanographique éditeur.. Le texte qui suit constitue en la reprise d’une partie de l’introduction de ma thèse de doctorat2Yoann Le Bars, 2010. Modélisation de la dynamique océanique barotrope dans l’estuaire et le plateau amazoniens, thèse de doctorat, Université de Toulouse III – Paul Sabatier.. Cette thèse portait sur la mise au point d’un modèle d’océan et son application à l’estuaire de l’Amazone, je ne prétends donc pas avoir réalisé une étude historique définitive : ce qui suit constitue un résumé, certes détaillé, mais avec toutes les limites de cet exercice.

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Notes

Notes
1 Bernard Simon, 2007. La Marée océanique côtière, collection « Synthèses », Institut océanographique éditeur.
2 Yoann Le Bars, 2010. Modélisation de la dynamique océanique barotrope dans l’estuaire et le plateau amazoniens, thèse de doctorat, Université de Toulouse III – Paul Sabatier.

Si les frères Bogdanoff étaient en orbite, cela aurait-il une influence sur Pluton ?

Grégoire et Igor Bogdanoff
Grégoire et Igor Bogdanoff par François Collard, image sous contrats GDFL et CC BY 3.0, via Wikimedia Commons.

Un scientifique, à plus forte raison un scientifique qui serait à l’origine de bouleversements fondamentaux, est-il plus enclin à faire avancer ses travaux ou à attaquer en justice toute personne qui aurait l’impudence de le contredire ? Sachant que la réfutabilité est au cœur d’une démarche scientifique sérieuse.

Question qui peut paraître grossièrement rhétorique, mais à laquelle la réponse ne semble pas évidente aux jumeaux Bogdanoff. En tout cas, leur récente interview par Le Figaro semble l’attester. Cette interview méritant d’être interrogée, je vous propose de le faire, vu d’ici.

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